La Cour d’appel du Tribunal pénal fédéral constate que les verdicts de culpabilité à l’encontre de la prévenue pour tentatives répétées d’assassinat (art. 112 CP en relation avec l’art. 22 CP) et exercice illicite répété de la prostitution (art. 199 CP) sont entrés en force de chose jugée, dès lors qu’ils n’ont pas été attaqués par les parties. La prévenue est en outre condamnée pour violation de l’art. 2 de la loi fédérale interdisant les groupes « Al-Qaïda » et « Etat islamique » et les organisations apparentées (désormais abrogée) comme requis par le Ministère public de la Confédération. Compte tenu du concours idéal entre l’infraction de tentatives répétées d’assassinat et celle de violation de l’art. 2 de la loi Al-Qaïda/Etat islamique et la gravité de la seconde tentative d’assassinat, la peine privative de liberté prononcée à l’encontre de la prévenue est augmentée à 10 ans et 6 mois.
L’arrêt CA.2022.27 concerne l’appel du Ministère public de la Confédération et l’appel joint de la prévenue contre le jugement de la Cour des affaires pénales du Tribunal pénal fédéral SK.2022.20 du 19 septembre 2022. Compte tenu des points qui sont entrés en force de chose jugée en l’absence de contestation par les parties, l'objet de la présente procédure d’appel est limité à la violation de l’art. 2 de la loi Al-Qaïda/Etat islamique et à la fixation de la peine.
Acte d’accusation
Le Ministère public de la Confédération reproche à la prévenue les infractions de tentatives répétées d’assassinat (art. 112 CP en relation avec l’art. 22 CP), de violation de l’art. 2 de la loi fédérale interdisant les groupes « Al-Qaïda » et « Etat islamique » et les organisations apparentées, ainsi que d’exercice illicite répété de la prostitution (art. 199 CP).
La prévenue est accusée d’avoir, le 24 novembre 2020, dans les Grandi Magazzini Manor Sud SA à Lugano, tenté intentionnellement de tuer deux femmes en utilisant un couteau, agissant avec une absence particulière de scrupules et en louant l’Etat islamique, ainsi que d’avoir, ce faisant, intentionnellement mis des ressources humaines à disposition de l’Etat islamique et encouragé ses activités d’une autre manière. Il est également reproché à la prévenue d’avoir, entre 2017 et 2020, à Lugano, enfreint de manière répétée les prescriptions cantonales sur les modalités de l’exercice de la prostitution en exerçant de manière illicite l’activité de prostituée.
Le Ministère public de la Confédération a requis, en première et en deuxième instance, une peine privative de liberté de 14 ans ainsi qu’une amende de CHF 2’000.- pour l’infraction d’exercie illicite répété de la prostitution.
Jugement de première instance (SK.2022.20)
Dans son jugement SK.2022.20 du 19 septembre 2022, la Cour des affaires pénales du Tribunal pénal fédéral a reconnu la prévenue coupable de tentatives répétées d’assassinat (art. 112 CP en relation avec l'art. 22 CP), de violation de l'art. 2 de la loi Al-Qaïda/Etat islamique et d'exercice illicite répété de la prostitution (art. 199 CP).
L'infraction de tentative de meurtre devant être considérée comme une infraction plus grave que la violation de l'art. 2 de la loi Al-Qaïda/Etat islamique, au sens des considérants, la Cour des affaires pénales a retenu que cette dernière infraction devait être déclassée par rapport à celle de tentatives répétées d’assassinat. Le tribunal de première instance a par conséquent exclu un concours idéal entre les deux infractions. La prévenue a été reconnue coupable de violation de la loi Al-Qaïda/Etat islamique uniquement en lien avec l'envoi de messages écrits et de photographies à contenu pro-Etat islamique via Facebook, mais pas en lien avec les événements survenus dans les Grandi Magazzini Manor Sud SA à Lugano.
L’autorité de première instance a condamné la prévenue à une peine privative de liberté de 9 ans et à une amende de CHF 2'000.-. Elle a également ordonné qu'à un traitement institutionnel soit effectué dans un établissement fermé, en raison du risque élevé de récidive. L'exécution de la peine privative de liberté a été suspendue pour permettre l’exécution de cette mesure.
La prévenue, qui a été arrêtée le 24 novembre 2020, est actuellement détenue dans les établissements pénitentiaires du canton du Tessin, en exécution du traitement institutionnel. Dès lors que cette mesure n’a pas été attaquée, et qu’elle est par conséquent entrée en force de chose jugée, la Cour d’appel en a ordonné l’exécution le 6 février 2023.
Arrêt de la Cour d’appel
La Cour d’appel du Tribunal pénal fédéral constate que les verdicts de culpabilité à l’encontre de la prévenue pour tentatives répétées d’assassinat (art. 112 CP en relation avec l’art. 22 CP) et exercice illicite répété de la prostitution (art. 199 CP) sont entrés en force de chose jugée, dès lors qu’ils n’ont pas été attaqués par les parties. La prévenue est en outre condamnée pour violation de l’art. 2 de la loi Al-Qaïda/Etat islamique, comme cela a été requis par le Ministère public de la Confédération, en lien avec les faits survenus aux Grandi Magazzini Manor Sud SA à Lugano.
Contrairement à l’instance précédente, la Cour d’appel retient le concours idéal entre l’infraction de tentatives répétées d’assassinat (art. 112 CP en relation avec l’art. 22 CP) et celle de violation de l’art. 2 de la loi Al-Qaïda/Etat islamique. Les deux infractions en question doivent être appliquées en parallèle et la prévenue doit par conséquent être condamnée pour ces deux infractions. La Cour d’appel considère en particulier que la manière dont la prévenue a commis les faits aux Grandi Magazzini Manor Sud SA à Lugano va au-delà de ce qui est requis pour la réalisation de l’infraction de tentative d’assassinat. Les deux infractions visent la protection de deux biens juridiques différents – la première protège la vie et la seconde la sécurité publique –, ce qui justifie ultérieurement de retenir le concours idéal entre ces deux infractions.
Compte tenu du concours idéal entre l’infraction de tentatives répétées d’assassinat et celle de violation de l’art. 2 de la loi Al-Qaïda/Etat islamique et la gravité de la seconde tentative d’assassinat, la peine privative de liberté prononcée à l’encontre de la prévenue est augmentée à 10 ans et 6 mois. Dans le cadre de la fixation de la peine, la Cour d’appel a tenu compte, sur la base d’expertises indépendantes, de la responsabilité restreinte établie. Les conditions de détention au sein des établissements pénitentiaires du canton du Tessin et le repentir exprimé par la prévenue au cours des débats d’appel ont été pris en considération comme circonstances atténuantes.
Cet arrêt peut faire l'objet d'un recours devant le Tribunal fédéral dans un délai de 30 jours à compter de la notification de la motivation écrite du présent arrêt. La présomption d'innocence continue de s'appliquer à la prévenue.
Annexe: Dispositif CA.2022.27 du 21 août 2023
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