La Cour des affaires pénales du Tribunal pénal fédéral a reconnu Ousman SONKO coupable de crimes contre l’humanité et a prononcé une peine privative de liberté de 20 ans. En tant qu’ancien Ministre de l’Intérieur de Gambie, Ousman SONKO est jusqu’à présent le plus haut fonctionnaire d’Etat de son niveau hiérarchique qui a été traduit en justice et condamné sur la base de la compétence universelle.
Après avoir été démis de ses fonctions de Ministre de l’Intérieur de Gambie en septembre 2016, Ousman SONKO, aujourd’hui âgé de 55 ans, a pris la fuite et a demandé l’asile en Suisse le 10 novembre 2016. Il a été arrêté en Suisse le 26 janvier 2017 suite au dépôt d’une plainte pénale par une organisation non gouvernementale pour soupçon de commission de crimes contre l’humanité (actes de torture).
Sur la base de la compétence universelle, la Cour des affaires pénales du Tribunal pénal fédéral s’est déclarée compétente pour juger en Suisse les crimes contre la population civile commis en Gambie par le ressortissant gambien Ousman SONKO. Selon la Cour des affaires pénales, les dispositions pénales de crimes contre l’humanité entrées en vigueur le 1er janvier 2011 trouvent application, même si une partie des faits reprochés remonte jusqu’à l’année 2000, dès lors que les homicides volontaires (dont deux assassinats), les actes de torture et de privation de liberté n’étaient à ce moment-là pas encore prescrits.
Le Ministère public de la Confédération a, en substance, reproché à Ousman SONKO d’avoir commis diverses infractions graves, entre les années 2000 et 2016, en Gambie, en partie seul mais principalement avec un groupe d’auteurs composé du Président de l’époque Yahya JAMMEH et de membres de la direction des forces de sécurité et des services de détention de Gambie. Dans le cadre d’une attaque généralisée et systématique contre la population civile de Gambie, Ousman SONKO aurait – dans ses fonctions tout d’abord de membre de l’armée de Gambie, puis d’Inspecteur général de police et finalement de Ministre de l’Intérieur – en partie seul mais principalement avec le groupe d’auteurs susmentionné, tué volontairement, torturé et violé des personnes et les aurait, de manière grave et sans droit, privées de liberté.
Dans l’appréciation des preuves, la Cour des affaires pénales s’est notamment appuyée sur l’audition d’Ousman SONKO ainsi que sur les nombreuses déclarations de témoins, de personnes appelées à donner des renseignements et de victimes, qui ont été entendus en partie en Suisse et en partie à l’étranger au moyen de l’entraide internationale. De plus, des documents de Gambie et le rapport final de la «Truth, Reconciliation and Reparations Commission» (TRRC) de Gambie ont été consultés.
Par jugement du 15 mai 2024, la Cour des affaires pénales déclare Ousman SONKO coupable d’homicides volontaires répétés, d’actes de torture répétés et de privations de liberté répétées, infractions réprimées au titre de crimes contre l’humanité. Ousman SONKO était un proche de confiance du Président gambien de l’époque Yahya JAMMEH, qui a dirigé la Gambie de manière répressive entre 1994 et 2016. Sous le règne de Yahya JAMMEH, les opposants politiques, journalistes et personnes suspectées de vouloir faire un coup d’Etat, en particulier, étaient systématiquement torturés, exécutés extrajudiciairement, arbitrairement détenus et amenés à disparaître. La Cour des affaires pénales tient pour établi qu’Ousman SONKO a, en janvier 2000 à Banjul (Gambie), en tant que co-auteur, volontairement tué un soldat soupçonné de vouloir faire un coup d’Etat. Elle considère de plus avéré qu’il a, en lien avec une tentative de coup d’Etat en mars 2006 à Banjul, comme co-auteur, torturé et privé illégalement de liberté des militaires, des politiciens et des journalistes et assassiné un ancien membre du parlement en octobre 2011 à Banjul. Il est également tenu pour établi par la Cour des affaires pénales qu’Ousman SONKO a, en lien avec une manifestation en avril 2016 à Banjul, comme co-auteur, torturé plusieurs opposants, un organisateur de la manifestation ayant été tué lors des actes de torture. Par la suite, les opposants ont encore été torturés au moyen de conditions de détention inhumaines. La Cour des affaires pénales conclut qu’Ousman SONKO a commis ces infractions – soit les meurtres, privations de liberté et tortures – dans le cadre d’une attaque systématique contre la population civile.
Une partie des chefs d’accusation, qui concluent au viol en tant que crime contre l’humanité, est classée. La Cour des affaires pénales ne pouvant établir aucune attaque contre la population civile à cet égard, la Suisse n’a pas de compétence pénale.
La Cour des affaires pénales ne retient pas qu’il s’agit d’un cas particulièrement grave de crimes contre l’humanité. Elle ne considère pas non plus qu’il s’agit d’un cas de moindre gravité.
La Cour des affaires pénales condamne Ousman SONKO à une peine privative de liberté de 20 ans, sous déduction du temps de détention de plusieurs années déjà effectué. La sanction pénale légale maximale est de 20 ans de peine privative de liberté. Dans la quotité de la peine, il apparaît clairement que le cumul des condamnations conduirait théoriquement à un multiple de cette peine.
En sus de la peine privative de liberté, la Cour des affaires pénales prononce l’expulsion d’Ousman SONKO du territoire suisse pour une durée de 12 ans. Elle contraint Ousman SONKO à s’acquitter d’une réparation envers les parties plaignantes pour le préjudice moral subi.
Le jugement n’est pas entré en force. Le prévenu continue à bénéficier de la présomption d'innocence.
Annexes:
Dispositif SK.2023.23 du 15 mai 2024
Communiqué de presse en anglais
Dispositif SK.2023.23 du 15 mai 2024 en anglais
Contact:
Estelle de Luze, chargée de communication, presse@bstger.ch, tél.: 058 480 68 68